Y. Tranvouez : La décomposition des chrétientés occidentales 1950–2010

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Titel
La décomposition des chrétientés occidentales 1950–2010.


Herausgeber
Tranvouez, Yvon
Erschienen
Brest 2013: Centre de Recherche Bretonne et Celtique / UBO
Anzahl Seiten
388 S.
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Vincent Petit, Strasbourg

Après le requiem pour le catholicisme breton paru en 2011, le Prof. Yvon Tranvouez a réuni un colloque sur le thème de la décomposition des chrétientés en maijuin 2012: pour filer la métaphore médicolégale, après les obsèques du catholicisme, historiens et sociologues se penchent sur son cadavre. Comme il se doit dans ce type d’ouvrages collectif, les différentes contributions sont d’un inégal intérêt, mais elles ont toutes en commun de s’inscrire dans un terreau à chaque fois spécifique: la Bretagne, la Suisse romande, le Québec, l’Irlande, le pays basque, l’Italie du nord... Car il s’agit d’étudier la fin d’une domination religieuse territorialisée, jamais absolue cela va sans dire, parfois minoritaire dans un ensemble géographique plus large – d’où le rapport avec la question d’une identité régionale, nationale, linguistique, etc. La liste des chrétientés – en fait, catholiques – retenues dit bien leur caractère tardif quand déjà d’autres régions d’Europe, et dès le XVIIIe siècle, ont connu un processus de sécularisation. La carte (12, issue des travaux d’Emmanuel Todd) est significative: il s’agit bien là des massifs granitiques qui avait résisté au premier choc de modernité qu’avaient constitué les Lumières, la Révolution puis l’industrialisation. Ou pour manier le paradoxe: comment et pourquoi ces chrétientés ne se sont pas décomposées plus tôt? Un comparatif avec les régions protestantes aurait été utile pour saisir ce décalage temporel. Un tel décalage pose évidemment la question de la nature de ce catholicisme sommes toutes récent (du XVIIIe siècle, voire du XIXe siècle). Un catholicisme – le mot même est une nou-veauté – qui est le produit d’une institutionnalisation ou si l’on veut d’une rationalisation croissante (rôle du clergé, influence de Rome, place de l’écrit et du culte contre les superstitions, les traditions et les usages) qui s’appuie sur une demande sociale (instruction, charité) relevant d’une aspiration communautaire contre l’individualisme.

Au-delà du constat clinique de l’effondrement des pratiques religieuses (Michel Lagrée regrettait que trop souvent l’historien se contentait de mesurer des apparences), de la croyance en Dieu, et même du sentiment d’appartenance à une confession, les différents chapitres du présent volume permettent d’envisager, comme le dit un militant jaciste, le passage «de la reli-gion à la foi» (201). La question de l’individuation du fait religieux et en fin de compte de l’individualisme sous-tend, en particulier dans les années 1960, toute la problématique de la sortie de la religion. Le moment en lui-même est remarquablement saisi par Gerd-Rainer Horn, mais ce qu’il décrit est troublant: en mai 1968, 150 prêtres-ouvriers italiens accueillent l’émissaire du Vatican en chantant l’Internationale (31), et les étudiants de l’Action catholique belge passent de la Bible au petit livre rouge (34).... Si le catholicisme est éteint, les facteurs qui l’ont fait s’éteindre se sont eux aussi et peut-être plus encore évanouis. Si le marxisme a pu constituer une idéologie de substitution cela n’aura duré qu’un moment à la manière du charisme d’un Bernard Besret. L’idéologie révolutionnaire dont on comprend bien que les dimensions populaires, égalitaires, fraternelles, émancipatrices aient pu être séduisantes pour les disciples du Christ ne provoquerait donc pas une sortie de la religion mais une réinterprétation (ou une bifurcation) de la religion: la question est de savoir pourquoi elle est demeurée largement sans postérité, les remises en cause des années 60 ayant débouché la plupart du temps sur une rupture d’avec l’Eglise et un abandon plus ou moins rapide de la pratique religieuse. Les deux communications pour le moins originales consacrées à la bande dessinée illustre ce changement de paradigme. Pour reprendre le propos un peu forcé de Fabrice Bouthillon, Tintin est resté le héros catholique de ses débuts, mais les formes de son engagement ont changé: avec la même bonne conscience, il soutient les révolutionnaires sudaméricains des années 70 comme il prenait part au paternalisme occidental en Afrique dans les années 30. Car au delà de la diminution des ordinations, de l’encadrement sacerdotal, de l’assiduité aux offices et aux rites saisonniers (baptême, mariage, inhumation), reste que plusieurs contributeurs détectent la permanence d’une subculture catholique qui expliquerait certaines formes contemporaines d’engagement social, économique et politique (le cas de la Vendée est ici très éclairant). En Belgique, une certaine influence chrétienne demeure grâce au syndicalisme, à l’enseignement, aux mouvements de jeunes. Les votations suisses permettent une approche quantitative de cette rési-lience sur les questions sociétales (divorce, avortement) ou interconfessionelles: la votation sur l’interdiction des minarets demande un analyse subtile pour distinguer un catholicisme d’ouverture qui y est défavorable et un catholicisme d’identité, plus conservateur, qui est favorable. On aurait pu aussi y ajouter la carte des régions françaises les plus généreuses envers les œuvres caritatives, et on aurait pu y voir le décalque de la fameuse «carte Boulard».

Zitierweise:
Vincent Petit: Rezension zu: Yvon Tranvouez (dir.), La décomposition des chrétientés occidentales 1950–2010, Brest, université de Bretagne Occidentale/ Centre de Recherche Bretonne et Celtique, 2013. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 108, 2014, S. 523-524.

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